Tazmamart by Marzouki Ahmed

Tazmamart by Marzouki Ahmed

Auteur:Marzouki, Ahmed [Marzouki, Ahmed]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Tarik Editions
Publié: 2016-01-01T05:00:00+00:00


Jilali Dik (décédé le 15 septembre 1980)

Jilali Dik était un des plus vieux d’entre nous, puisqu’il faisait partie de la première promotion de sous-officiers d’Ahermoumou en 1956.

Né à Safi, à 200 kilomètres au sud de Casablanca, il était de taille moyenne, avait les cheveux noirs et les yeux bleu très clair. C’était un excellent père de famille, très attaché à ses enfants, un homme sérieux et que la détention avait rendu encore plus taciturne. Il vivait cette séparation douloureusement. À Ahermoumou, il était instructeur auto, c’est-à-dire qu’il apprenait la mécanique automobile aux jeunes recrues. Simultanément, il était responsable du garage et de toutes les réparations à effectuer dans le parc automobile de la caserne.

Il avait été condamné lui aussi à cinq ans de prison, bien qu’il ignorât totalement pour quelles raisons on l’avait embarqué dans la désastreuse aventure de Skhirat.

Jilali avait particulièrement mal vécu le transfert de Kénitra à Tazmamart car il avait dû abandonner non seulement tous ses effets personnels mais aussi une partie de ses économies qui lui servaient à aider ses enfants en fonction de leurs besoins. Il était donc arrivé à Tazmamart avec un moral très bas, et cela devait constituer un handicap insurmontable.

Occupant la cellule 23, à l’extrémité sud du bâtiment 1, il n’avait donc pas de voisin à sa gauche.

En 1978, il était tombé gravement malade mais, grâce aux encouragements de ses camarades, il parvint à se rétablir. Après la disparition de Larbi Aziane, dont la cellule était proche de la sienne, il sombra dans un silence prolongé. Cependant, son calvaire ne commença vraiment qu’au début de l’été 80. Ses voies digestives étaient devenues complètement inopérantes et, comme il était cadavérique, il n’avait plus le moindre muscle notamment autour de la ceinture abdominale, ce qui lui causait une constipation atroce. Il passait des nuits entières à gémir et à implorer Dieu de mettre un terme à ses souffrances et à son existence.

L’adjudant-chef Mohamed Mahjoubi, un de nos anges gardiens, faisait pourtant un maximum pour adoucir son calvaire. Il avait ainsi réussi à convaincre d’autres gardiens d’« autoriser » quelques détenus à rentrer dans la cellule de Jilali : Mohamed Ghalloul, Mohamed Moudjahid et Abderrahmane Sadki se relayèrent ainsi pendant plusieurs mois jusqu’à l’issue fatale. Le spectacle qu’offrait notre ami au soir de sa vie était hallucinant. Sous la lueur blafarde de la lampe du couloir, on pouvait le voir étendu pour ne pas dire jeté sur le sol de sa cellule. Il ressemblait sans exagération à une charogne agitée de tremblements et de soubresauts incessants. Les odeurs qui émanaient de cette masse difforme étaient écœurantes.

Un jour, j’obtins « l’autorisation » de relever mes trois camarades qui n’en pouvaient plus et je passai une nuit en compagnie de Jilali. Je lui demandai de me dire de quoi il souffrait. Jilali me répondit qu’il avait la sensation de flammes ardentes qui lui brûlaient chaque fibre de son corps et que seule la mort pourrait le délivrer de cet enfer. Je passai toute la nuit à essayer



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